11 de mes traits autistiques

by Alichon

Je fais partie de ces autistes qui ont été diagnostiquées tardivement, dans mon cas, à l’âge adulte. Étant une femme, je suis aussi passée plus facilement entre les mailles du filet car je masque très bien. Avant de commencer le processus du diagnostique, lorsqu’on m’a dit que je pourrais peut-être être sur le spectre et qu’il y aurait quelque chose à creuser, j’ai lu et écouté des dizaines et des dizaines de témoignages de diagnostiques tardifs et de femmes autistes. Et je me suis tellement reconnue dans ces expériences que j’ai pleuré toutes les larmes de mon corps.

La fatigue

J’ai bien conscience que je commence par ce qui semble plus être une « conséquence » qu’un véritable trait mais je le compte quand même comme tel car c’est ce qui bloque le plus au quotidien. Je suis fatiguée, tout le temps. Depuis que j’ai quitté les bancs de l’école, j’ai l’impression que la vie n’est que fatigue. Avant mon diagnostique, je ne comprenais pas comment faisaient les gens pour « vivre » alors que moi je trouvais ça si compliqué. Je ne voyais pas trop l’intérêt d’ailleurs, de travailler si c’était pour n’avoir aucune énergie après. Aujourd’hui encore j’essaie plutôt de travailler pour vivre plutôt que le contraire mais très honnêtement j’ai plutôt l’impression de travailler pour « survivre ». J’aime mon travail mais ça me prend une énergie de dingue et après je suis vidée. Difficile d’avoir une vie dans ces conditions.

C’est aussi quelque chose qui a posé un énorme problème dans mon couple. J’ai souvent entendu que je n’avais pas « le monopole de la fatigue ». La frustration engendrée par l’impossibilité de faire comprendre mon état de fatigue était assez phénoménale.

J’avais aussi un côté assez « cyclique »: si je passais une journée motivée, à faire plein de choses, à ranger la maison, à voir des gens, etc. après j’avais deux jours de contre-coups où je n’avais pas l’énergie davantage que le minimum. Une fois encore, c’était excessivement frustrant.

Aujourd’hui j’ai davantage conscience de mes « jauges » d’énergie. Cela reste contrariant pour moi de savoir que, lors de mes semaines de travail, je ne sais quasiment rien faire d’autres, mais du coup j’essaie aussi d’éviter de me surinvestir.

Les comportements répétitifs

Outre le balancement incessant de mes jambes et les chansons écoutées en boucle sans que cela ne me lasse, j’ai une certaine passion pour prendre en photos les motifs et les textures, ou assez régulièrement la même vue. C’est quelque chose auquel je n’avais pas spécialement prêté attention avant d’avoir mon diagnostic mais ça rentre tellement « dans cette case » que j’ai trouvé ça très logique après-coup. J’ai même un hashtag « textures » sur Lightroom qui regroupent toutes les textures et motifs que j’ai en photos.

Dans certaines situations, lorsque je sens les larmes arrivées, je me répète aussi une liste de mots qui commencent par la lettre P (pourquoi cette lettre ? Je l’ignore). Je me trouve quelques mots et puis je les répète en boucle dans ma tête jusqu’à ce que ça passe.

Porter un masque et ne pas regarder dans les yeux

C’est un phénomène que j’ai surtout connu adolescente, je le ressens un peu moins depuis (probablement parce que j’ai aussi davantage confiance en moi) mais j’avais constamment l’impression de porter un masque et que personne ne pouvait voir en dessous. Personne ne me connaissait vraiment, personne ne me voyait vraiment. J’avais la sensation d’être complètement différente à l’intérieur et à l’extérieur, avec ce sentiment que personne ne m’aimerait si on voyait comme j’étais en-dessous de ce masque.

Maintenant que je suis adulte, j’ai appris à fonctionner différemment. Mais j’ai encore l’impression de « masquer » pas mal quand je suis avec des gens que je connais pas.

On pourrait dire que ça fait partie du masquage mais j’avais quand même envie de nuancer. Je suis tout à fait capable de regarder mes proches dans les yeux, et cela ne me pose d’ailleurs pas de problèmes. Par contre, quand je fais face à des personnes qui ne me sont pas proches, je dois me concentrer et me forcer pour regarder l’autre dans les yeux. Et c’est très pénible, parce que j’aimerai ne pas avoir à le faire mais je me sens toujours contrainte.

Le mutisme sélectif

J’ai eu l’habitude d’être « la taiseuse » en classe quand j’étais ado. Aujourd’hui, franchement, ça va. Même si je parle peu quand je suis dans un groupe entourée de gens que je connais peu. Maintenant mon mutisme sélectif intervient plutôt dans les moments de conflits avec mon compagnon: je suis physiquement incapable de parler. Aucun son ne sort de ma bouche. Même si je le veux.

« L’inflexibilité » / la « rigidité »

Bon, ce sont des termes que je n’apprécie pas spécialement parce qu’ils ne reflètent pas tellement la manière dont moi je le ressens personnellement mais le fait est que, pour les autres, c’est souvent vécu comme tel.

J’ai du mal à envisager que quelque chose puis se faire ou se dérouler autrement que comme je l’ai imaginé. Que ce soit le remplissage du lave-vaisselle ou le déroulement de la journée. Ou alors il faut que je me mette dans une humeur « aujourd’hui c’est tranquille on fait comme on veut ». Sinon ce n’est même pas la peine d’essayer de changer les plans en dernière minute, je vais être, au minimum, extrêmement contrariée et donc de mauvaise humeur.

Il en va de même pour certaines valeurs ou d’autres principes. Je suis à fond pour la motricité libre chez les enfants et tout-petits. Du coup j’ai du mal à comprendre pourquoi on irait mettre assis un enfant qui ne sait pas se mettre assis seul, ou pourquoi on tenterait d’apprendre à marcher à un enfant alors qu’ils savent l’apprendre tout seul. Ca me dépasse. Mais bon.

Les intérêts spécifiques

On parle aussi d’intérêts restreints mais je n’aime pas employer ce terme parce que je ne trouve pas que mes intérêts aient quoi que ce soit de restreints. Par contre, j’ai plusieurs sujets de prédilections que j’adore (=euphémisme) et dont je peux parler durant des heures. Comme RuPaul’s Drag Race, la petite enfance ou la photographie (plus sous l’angle de la mémoire et du souvenirs que la technique). Et j’ai besoin de me consacrer à ces sujets au quotidien pour me ressourcer sinon je fane comme une petite fleur.

Les préférences alimentaires et la sensorialité

Ce point-ci pourrait rentrer dans le paragraphe suivant mais, en ce qui me concerne, je trouve que les problèmes sensoriels vis-à-vis de la nourriture sont une catégorie à part tellement c’est « important ». J’ai toujours été considérée comme difficile pour manger. Ce n’est un secret pour personne. Ceci étant dit, j’ai le sentiment que ça c’est arrangé en grandissant mais comme mon compagnon me l’a dit: pas tant que ça. En fait j’ai surtout la liberté d’acheter ce que j’aime et de cuisiner comme j’aime. Je suis toujours incapable de manger un ananas s’il n’est pas ultra mûr car ça me donne l’impression d’avoir un tapis dans la bouche, la poire me donne la sensation de manger du sable et le goût de l’agneau me donne envie de gerber. D’ailleurs, je ne mange pas certaines viandes car dans ma tête, elles sont associées à l’animal, alors que pour d’autres viandes, je n’avais pas fait le lien plus jeune (exemple: on me donnait du bœuf à manger. Ca va car je n’ai compris que bien tard que c’était en fait de la vache. Inversément, je ne mange pas de canard car dans ma tête c’est un animal et je n’ai pas intégré dès petite que ça pouvait se manger).

Pour le reste, je ne suis pas tellement hypersensible comme beaucoup d’autres autistes. Dans mon cas c’est plutôt le contraire. J’aime encore bien les lumières vives, les paillettes et en festival je dois mettre des bouchons mais sinon ça va. Au niveau de toucher, je déteste le contact physique. Le covid fût un temps béni pour moi à ce niveau-là. Les seules personnes où cela ne me gêne pas de faire la bise c’est encore une fois les proches (voire même très proches). Et je ne recherche vraiment les câlins ou les embrassades qu’auprès de mon compagnon et mon fils. Je préfère dormir avec une couette, quelque soit la saison aussi.

La mémoire à court terme/ long terme

J’ai une très bonne mémoire à long terme (les dates de naissance ça me connait bien, je les retiens quasiment toutes) par contre, depuis que je suis adulte, j’ai eu du mal à accepter que j’avais désormais une mauvaise mémoire à court terme, dû au fait surtout que je n’ai pas d’énergie et donc peu de capacités d’attention. Je dois donc beaucoup prendre note de ce qu’on me dit, sinon j’oublie.

Les fonctions exécutives

J’ai énormément de mal à mettre à faire quelque chose. Ca me demande beaucoup d’énergie. Et quand je fais ma liste de tâches journalières dans mon bullet journal, je dois pas mal décomposer, par exemple:

  • Vider le lave-vaisselle
  • Remplir le lave-vaisselle
  • Lancer le lave-vaisselle
  • Faire une lessive de foncés
  • Pendre le linge
  • Dépendre le linge

J’ai aussi acheté une bouilloire qui bipe quand elle a fini de chauffer pour que je pense à verser l’eau dans ma tasse. C’est un trait assez culpabilisant au quotidien, parce que j’ai l’impression d’être une grosse flemmarde. Pourtant ce n’est pas que je veuille pas faire les choses, c’est juste que logistiquement parlant j’ai énormément de mal à enclencher le processus.

L’identification des émotions

Ce dernier point, c’est un travail que j’ai fait avec mon psy précédent, avant d’entamer mon diagnostic, lorsque j’ai fait mon burn-out en 2017. On s’est rendu compte que j’étais incapable d’identifier correctement mes émotions et pendant plusieurs mois, j’ai rempli des tableaux avec des situations, des contextes, ce que ça me faisait ressentir physiquement, mentalement et à quelles émotions je l’attribuais. Alors aujourd’hui, je me rends plus compte de mes émotions, mais ça reste quand même un point de travail régulier. Surtout que j’ai une sorte de « permanence de l’objet » pour les émotions qui n’est pas très bien acquises: quand je vais mal, j’ai l’impression que ça restera toujours comme ça et je ne sais pas comment j’ai fait pour me sentir bien avant. Et quand je vais bien c’est l’inverse. Mais bon, au moins j’en suis consciente désormais.

L’anxiété

Être autiste dans une société de neurotypique c’est aussi être confrontée quotidiennement à l’imprévu, des interactions sociales non sollicitées ou trop drainantes en énergie, des changements de routines et j’en passe et des meilleures. J’ai toujours été une grande stressée. Et dans certaines situations je peux même faire de l’hyperventilation. Et adolescente je faisais sans arrêt des névralgies intercostales tellement j’étais toujours tendue.

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