Cet article est une archive. Il a été publié pour la première fois le 9 décembre 2018.
J’ai expliqué ici pourquoi je souhaitais ne pas prendre de péridurale, pourquoi avoir l’accouchement le plus physiologique possible.
DE LA THÉORIE À LA PRATIQUE
Tous mes doigts étaient croisés pour que mes eaux se rompent une fois le travail bien engagé et que j’arrive à la maternité dilatée à 3 ou 4 (si ce n’était pas trop demandé). J’avais des contractions depuis 6 heures du matin et nous sommes partis pour la maternité vers 19 heures, lorsque les contractions étaient régulières et que l’idée de prendre la voiture me faisait tourner de l’œil. Le frère de Marc nous a gracieusement déposé à la maternité où une sage-femme m’a demandé de me coucher pour examen + monitoring (peu de chose ce soir-là ont été aussi inconfortables pour moi que cette position couchée…)
Dans les faits, quand la sage-femme de la maternité m’a annoncé que j’en étais à 2, je suis tombée des nues. Mais, comme l’hôpital que j’ai choisi aime beaucoup quand on opte pour la physiologie, elle m’a proposé de faire un tour et finalement d’utiliser une baignoire relaxante jusqu’à ce que j’entre dans la phase active du travail. Mon ventre a finalement éclaté tel un ballon de baudruche au milieu des jets massants. (Pour l’anecdote, je venais juste de demander à Marc « Tu prends une photos souvenir ? » Ce qu’il a fait.)
Changement de service. C’est donc une nouvelle sage-femme qui est arrivée et à qui j’ai annoncé que j’avais perdu les eaux.
« Vous êtes sûre ? » (Comment ça je suis sûre ?)
Elle et Marc m’ont sortie de la baignoire. Je me suis allongée pour la seconde fois sur la table d’examen. Je le répète: c’est l’une des rares choses que j’ai eue en horreur ce soir-là: devoir rester couchée à chaque fois 30 minutes pour un monitoring. C’était un véritable supplice et je n’avais qu’une envie: me lever et marcher. Il est 22h30.
La sage-femme procède à l’examen et son test (à la con, excusez-moi) annonce que je n’ai pas perdu les eaux. J’insiste: bien sûr que si, j’ai perdu les eaux. Qu’on arrête de me prendre pour une cruche deux minutes s’il vous plaît… La sensation ne me trompe pas. J’ai l’impression d’avoir les chutes du Niagara qui s’écoulent de mon vagin. Je suis dilatée à 3 et elle fait un second test pour être sûr « Ha bah oui vous avez perdu les eaux » (en dehors de ça, elle a été adorable et nous a bien accompagné 😉 ) S’en suit le monitoring qui me paraît interminable. Dans mes souvenirs, je crie. Marc appelle Fabienne, notre sage-femme libérale, qui lui demande si je suis bien certaine de ne pas vouloir la péridurale vu mes cris (je persiste et signe: non, pas de péridurale) pour ne pas se déplacer pour rien, son rôle étant de m’aider à gérer la douleur.
La sage-femme de l’hôpital prépare donc enfin la salle nature tant attendue, avec une baignoire beaucoup plus grande et bien plus confortable. En attendant, dans cette fameuse salle, je marche un peu avant de m’installer sur un ballon pendant que Marc masse patiemment le bas de mon dos. D’ailleurs une sage-femme viendra se placer devant moi en me disant « Il faut vous relâcher madame, vous êtes toute contractée, relâcher les épaules ! » Sur le moment je ne me sentais pas d’humeur mais je la remercierais bien aujourd’hui.
La douleur des contractions a augmenté suite à la perte des eaux. La « forte douleur de règle » du début est vite passée à une intense brûlure dans le bas du dos que Marc essaie de soulager tant bien que mal. Durant les contractions, il m’aide à relâcher les épaules pour éviter que je ne me crispe.
Fabienne arrive, Marc prend une pause pour aller fumer tandis qu’elle s’installe à sa place. Je me rappelle lui avoir immédiatement demander ce qu’elle pensait du gynécologue de garde, si il était porté sur les épisiotomies. « Non pas du tout. Il laisse même les sages-femmes faire l’accouchement parfois ». Je suis incroyablement rassurée, c’est une petite inquiétude qui sort de ma tête. Je ne sais pas exactement combien de temps elle prend le relais mais Marc est de nouveau présent quand on m’aide à entrer dans la plus grande baignoire.
Le soulagement.
Les contractions sont difficiles, il est aisément 23h30, voire minuit, et je suis fatiguée. Marc et Fabienne massent mon dos vers le bas, pour accompagner la contraction et notre enfant qui descend petit à petit. Par contre, je commence à crier en même temps. Fabienne me conseille de faire des sons « bas », qui aideront davantage le bébé à descendre. J’ai confiance en elle, elle partage notre vision de l’accouchement, donc je suis ses conseils.
45 minutes plus tard, je souffle « Je ressens le besoin de pousser » sous le regard étonné de mes deux masseurs. Comme il n’y a personne de l’hôpital avec nous dans la salle, elle appelle quelqu’un. On me sort de la baignoire pour se rendre compte que je suis dilatée à 8 centimètres, pour mon plus grand bonheur. Je l’admets, j’étais aussi pas mal étonné que ce soit allé si vite !
On m’aide à entrer à nouveau dans la baignoire. Ce qui est compliqué quand on a une tête de 9 centimètres qui fait pression dans le bas du ventre. Je pousse quand je ressens l’envie de pousser, je ne lutte pas et je laisse faire mon petit corps. Je pars du principe qu’il sait lui, il a été conçu ainsi, pour faire face à cet événement et je lui fais confiance, je ne suis pas inquiète.
Peu après 1h du matin, j’en sors définitivement car dilatée à 10 centimètres. Sur le moment je suis soulagée de savoir qu’on approche de la fin. En même temps, je ne me rends pas encore bien compte que ça signifie que je vais rencontrer notre bébé.
J’ai insisté toute ma grossesse durant: je ne veux pas accoucher en étant sur le dos. Je me mets naturellement sur les genoux. Le gynécologue vient voir où on en est. Il se penche vers moi « Je vous entend chanter dans le couloir depuis tout à l’heure mais ça il va falloir arrêter parce que ça n’aide pas, il faut souffler ». Sur le moment, j’avais clairement envie de dire « Ta gueule ». Marc m’expliquera par la suite qu’il a été sarcastique mais qu’évidemment, comme je ne détecte pas le sarcasme au quotidien, il y avait peu de chance que je le comprenne dans cet état-là…
Autre anecdote un peu plus tôt cette semaine-là, lors de la visite hebdomadaire à l’hôpital : ma gynécologue trouve que ce bébé n’est pas très pressé, mon col est encore bien fermé. Elle ne pense pas qu’il pointera son nez cette semaine. « mais au cas où, sachez que dimanche, je suis de garde dans un autre hôpital » (et hors de question que j’amène mon ventre dans celui-là). Evidemment j’ai accouché le jour où elle n’était pas là, ce dont je suis vraiment heureuse après coup.
J’ai donc continué comme je le sentais. En regardant l’heure. Parce que l’horloge était évidemment accrochée au mur, pile dans mon champ de vision. Le temps a commencé à me sembler long. Je sentais le bébé descendre durant la contraction, durant la poussée… et puis remonter aussitôt. Je commençais sérieusement à désespérer, à me dire que je n’allais pas y arriver. Il était environ 1h50, j’étais épuisée. Je voulais qu’on me laisse tranquille, m’allonger sur le côté et DORMIR. Tout en sachant que ce n’était pas possible pour des raisons tout à fait évidentes… A un moment donné, quelqu’un m’a dit « On voit sa tête madame, il a des cheveux ! Touchez, vous allez voir ! » La vérité ? Sur le moment je n’en avais rien à faire, je voulais terminer cet accouchement.
Le gynécologue me parle d’iso-bétadine ou je ne sais quoi, je ne m’en rappelle pas. Par contre, je me souviens d’une soudaine sensation de froid et de mouillé entre mes jambes. J’ai hurlé en demandant ce que c’était. Les personnes présentes se sont étonnés de ma réaction, sauf Marc, qui connaît ma sensibilité. A chaque mouvement du coton imbibé d’iso-bétadine j’ai sursauté. J’ai détesté ça.
Fabienne et une autre sage-femme (Lisa dans mes souvenirs, dont je n’avais pas remarqué la présence jusqu’à maintenant) m’ont dans un premier temps conseillé de me pendre à l’écharpe au-dessus, ce qui a un peu aidé dans un premier temps mais sans plus. Finalement, Lisa m’a dit que je devrais me mettre sur le côté, ça m’aiderait, ça aiderait peut-être le petit à se positionner un chouïa mieux pour descendre plus facilement. J’étais à bout. Ça m’a semblé logique et la chose à faire. On m’a aidé à me retourner.
Et effectivement c’est allé très vite. Lors de la première poussée, il est encore remonté, le petit… J’ai poussé encore 4 ou 5 fois, en me disant que ça n’en finirait jamais… La dernière fois, j’ai senti je-ne-sais combien de doigts, appartenant à je-ne-sais combien de mains, me toucher tout autour de la tête du bébé pour faciliter son passage alors que j’avais l’impression de sentir mon corps se déchirer en même temps. Ça je l’ai mal vécu, j’ai hurlé « Mais laissez-moi deux minutes » (tout en étant encore parfaitement consciente que c’était impossible puisque mon enfant était en train de quitter mon corps…) Les épaules ont suivi très rapidement et on m’a retourné comme une crêpe sur le dos. J’ai vu une paire de ciseaux entrer dans mon champ de vision « Pourquoi vous sortez des ciseaux ?! » « Bah pour le cordon madame… » (Ha bah oui, logique Alison, réfléchis… Il était fort pressé de le couper ce cordon…)
Les sages-femmes de l’hôpital ont appuyé sur mon ventre pour faire sortir le placenta que j’ai demandé à voir… Et je ne m’en rappelle pas car en même temps, Isaac a été déposé sur mon ventre et c’est la première fois que je le voyais. Il était minuscule.
Et puis surprise: nouvelle sensation de froid entre mes jambes tremblantes. J’ai encore crié en demandant ce que c’était encore, si j’étais déchirée et s’il fallait me recoudre « Non non non madame, c’est de l’iso-bétadine. Vous n’avez qu’une micro-déchirure, ça ne vaut même pas la peine de recoudre ».
Soulagement intégral.
Isaac est né à 2h15. Nous avons passé deux heures en peau à peau dans cette salle de naissance, quasiment endormis, avec son papa à côté de nous.